Dans un communiqué du 14 mai, 24 organisations de la société civile (OSC) interpellent la Myanmar National Human Rights Commission (MNHRC) sur ses prises de position récentes. En dépit d’informations faisant état d’exécutions extra-judiciaires imputées à des militaires, la MNHRC s’est en effet bornée à reprendre à son compte la version de « légitime défense » avancée par l’armée.
Alors que les opérations de l’armée birmane (Tatmadaw) dans le nord de l’état d’Arakan continuent de se traduire par des violations des droits humains, ces OSC insistent sur la nécessité pour l’institution nationale des droits de l’Homme birmane, la MNHRC, de jouer son rôle et de mener une enquête indépendante. « Au mieux la MNHRC dissimule les crimes de l’armée, au pire elle s’en fait complice » déplorent ces organisations. Elles demandent donc à la MNHRC de conduire une enquête indépendante et transparente sur le mort de villageois dans le nord de l’état d’Arakan et d’agir pour que les parties concernées, en particulier l’armée, rendent des comptes.
Ces 24 OSC viennent d’ailleurs de constituer un groupe de travail qui plaide pour la réforme de la Myanmar National Human Rights Commission (MNHRC). Leur ambition ? Qu’elle devienne une institution effective, indépendante et transparente qui promeut et protège les droits humains conformément aux Principes de Paris adoptés en 1993 par l’Assemblée générale de l’ONU[1].
Civils arbitrairement détenus, villageois victimes d’exécutions extra-judiciaires… Ces dernières semaines, des cas de violations des droits humains imputés à l’armée birmane dans le nord de l’état d’Arakan ont fait l’objet d’une certaine couverture médiatique. Hélas, les méthodes de la Tatmadaw en zone de conflit restent inchangées, alors qu’aucune institution, nationale ou internationale, ne semble en mesure de mettre un terme au cycle infernal de l’impunité.
Le 30 avril dernier, environ 250 hommes âgés de 15 à 50 ans ont été arrêtés par l’armée dans le village de Kyauk Tan, au niveau du township de Rathaedaung, sur la base de leurs liens supposés avec l’Armée d’Arakan (AA). Ils ont été placés à l’arrêt dans une école pour y être interrogés. Le 2 mai, six d’entre eux ont été abattus par des militaires en pleine nuit, dans des circonstances qui font l’objet de récits divergents. Dans son communiqué du 6 mai, Human Rights Watch (HRW) rapporte que si l’armée a invoqué la « légitime défense », des témoins oculaires blessés par les tirs ont indiqué que les militaires avaient ouvert le feu après que l’un des villageois ait crié et tenté de s’enfuir.
Le Secrétaire Général de l’Arakan National Party (ANP) souligne que la ligne de défense de l’armée est peu vraisemblable en raison de l’extrême surveillance et des conditions de détention dont ces villageois faisaient l’objet. Il a adressé une lettre au gouvernement, à l’armée et à la MNHRC, demandant qu’une réponse effective soit apportée suite à ces exactions et que la protection des civils soit assurée.
Des médias locaux ont rapporté que des centaines de militaires ont été dépêchés sur place après les tirs, bloquant l’accès au site, notamment aux organisations souhaitant fournir une assistance médicale aux blessés. Ce n’est que dans un deuxième temps que les blessés (au moins huit) ont pu être évacués.
Dans un communiqué du 10 mai, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) de l’ONU se dit « profondément préoccupé par ces exécutions extrajudiciaires, ces détentions arbitraires et au secret, ces mauvais traitements et par l’utilisation prolongée d’une école à des fins militaires ». « Et par ce qui semble être une punition d’un groupe important de villageois pour des actes de violence perpétrés par un groupe armé ». Le HCDH souligne que « jusqu’à 50 personnes sont toujours en détention au secret sans avoir accès à un avocat, à un médecin ou à toute autre forme de protection ».
Le HCDH rappelle aussi que « l’incident » de l’école du village de Kyauk Tan n’est pas « un cas isolé ». « Le 22 avril dernier, trois hommes de l’ethnie rakhine, qui figuraient parmi 27 personnes arrêtées au niveau de Mrauk-U, également à la suite de l’attaque perpétrée par l’armée Arakan le 9 avril, ont été abattus en détention. Les autorités ont réfuté les allégations selon lesquelles ils auraient été abattus, mais les corps ont été incinérés peu de temps après leur mort et avant que leurs familles ne soient informées. »
L’annonce de la mise en place par l’armée d’un comité d’officiers chargé de mener l’enquête suscite le scepticisme. Les exemples passés montrent que les investigations de la Tatmadaw ne servent qu’à blanchir leurs crimes.
Dans ces conditions, l’ONU plaide pour une enquête crédible, impartiale et indépendante sur les « incidents » rapportés, alors que d’autres exactions sont susceptibles d’avoir lieu sans qu’on en soit informé. L’accès au nord de l’état d’Arakan demeure en effet restreint depuis les opérations militaires menées contre les Rohingya en octobre 2016, puis à compter d’août 2017. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas pris fin et des Rohingya continuent d’être pris pour cible.
« Tout en plaidant pour un accès humanitaire à toutes les zones de conflit, y compris dans le nord de l’État de Rakhine, le HCDH rappelle que la poursuite des violations des droits de l’Homme, des punitions collectives et de l’impunité ne fera qu’alimenter le conflit entre la Tatmadaw et l’armée d’Arakan. « La paix est fondée sur la justice et sans elle, aucun progrès ne peut être réalisé.»
Au-delà de la mobilisation en réaction à ces récentes exactions, le plaidoyer mené par la société civile birmane pour la mise en place d’une institution nationale des droits de l’Homme effective et indépendante en Birmanie se doit d’être relayé.
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Communiqué du 14 mai 2019 de 24 organisations de la société civile birmane : « la MNHRC doit se positionner sur les exécutions extra-judiciaires de villageois Rakhine »
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